La dignité au travail : prévenir et agir contre le harcèlement
Le harcèlement moral se retrouve dans le Code du travail mais aussi dans le Code pénal.
Ces agissements sont qualifiés à l’article L1152-1 du Code du travail et à l’article 222-33-2 du Code pénal comme susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié.
Que recouvre cette notion de dignité ? Est elle floue, précise ? Quand on évoque le respect, de quoi parle t’on ? Respect de soi, de l’autre, de son poste et de ses attributions de ses valeurs, convictions ?
Peut on se dégager de fausses croyances ? Adopter d’autres postures ou se sortir seul de celle de la « victime » ? Qui sont les professionnels soutenants au sein de l’entreprise et à l’extérieur ?
Le recours à l’avocat ou au psychiatre, thérapeute sont ils incontournables ?
Un Avocat et un Psychiatre partagent leurs connaissances, expertises, retours terrains, solutions qui marchent autour ce ces questions sociétales éminemment importantes.
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Le travail humain est une clé, et probablement la clé essentielle, de toute la question sociale.
Le travail a donc une dimension personnelle et une dimension sociale
Le nouage entre dignité et travail ne va guère de soi.
Ou plutôt, participe-t-il plus d’une contradiction à laquelle sont confrontés ceux qui ne disposent que du salariat pour assurer leur subsistance que d’une potentielle résolution de cette même contradiction.
Il faudrait se situer hors de toute réalité pour ignorer que le travail, dans son actualité et sous les divers modes de socialisation qui le conditionnent, entretient vis-à-vis de la question de la dignité ce que l’on pourrait nommer une inquiétude permanente.
Le travail est souvent source d’un mécontentement qui fait que la plupart de ceux qui ne disposent d’autre ressource se sentent en deçà de la reconnaissance qu’ils seraient en droit de réclamer.
On peut donc dire que l’importance du travail dans la vie d’une personne va bien au-delà des questions financières. Travailler donne de la dignité à un homme parce que c’est par son métier qu’il montre sa valeur dans l’environnement dans lequel il vit.
Aujourd’hui, l’article L1152-1 du Code du travail dispose que « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Cette définition du harcèlement moral s’applique uniquement dans un contexte professionnel.
Le harcèlement moral constitue toutes les pratiques répétées qui ont pour objet ou effet de dégrader les conditions de travail d’un salarié, ou encore de porter atteinte à ses droits et/ou à sa dignité.
Ça marche ou ça ne marche pas ?
Si vous êtes témoin de :
- Actes ou propos vexatoires
- Menaces
- Propos injurieux ou obscènes
- Appels téléphoniques, SMS ou courriers électroniques malveillants
- Visites au domicile ou passages sur le lieu de travail
1. Vous pouvez proposer à la victime de témoigner du harcèlement vécut si elle décide d’agir en justice ou a besoin de preuves
2. Vous pouvez alerter directement l’employeur : vous êtes complètement protégé de toute sanction ou de toute mesure discriminatoire en tant que dénonciateur de faits de harcèlement moral (Article L1152-2 du code du travail)
3. Vous pouvez vous en ouvrir au Comité social et économique si votre entreprise en comporte un
4. Vous pouvez également déposer une alerte de façon anonyme (lien vers l’article « comment déposer une alerte) si un dispositif de recueil des signalements a été mis en place dans votre entreprise dans le cadre de la loi Sapin II : le référent remontera les informations à l’employeur qui aura le devoir de mener une enquête concernant ces faits de harcèlement
Le nerf de la guerre c’est la preuve.
Les salariés victimes de harcèlement moral peuvent intenter une action en justice auprès du conseil de prud’hommes pour faire cesser ces agissements et demander réparation du préjudice subi. Le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Faire un certificat médical est ainsi très efficace dans un contexte de harcèlement moral. Pour que le document soit probant, le praticien doit décrire clairement l’état de santé qu’il constate. Et il doit indiquer que parallèlement, son patient lui rapporte des difficultés rencontrées dans le cadre de son activité professionnelle.
Les évolutions juridiques récentes imposent un système d’alertes professionnelles dans les entreprises. Ainsi, la loi Sapin 2 et le renforcement des mesures contre le harcèlement prévoient de signaler les délits et les manquements de manière confidentielle. Depuis le 1er janvier 2019, un référent harcèlement sexuel doit être nommé par tous les CSE (comités sociaux et économiques), quel que soit l’effectif de l’entreprise. Outre ce référent élu du personnel, un référent RH doit être désigné dans les entreprises de plus de 250 salariés. Il est chargé d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
La croissance du nombre d’alertes dans les entreprises révèle davantage des difficultés de management plus que de véritables délits. La réactivité de la direction suite à la réception d’une alerte est primordiale pour éviter une crise et une dégradation des relations internes. C’est une question de confiance vis-à-vis des employés, des clients et des partenaires commerciaux. Voici quelques conseils pour gérer au mieux une enquête interne.
Soyez réactif dès la réception de l’alerte
Dans un premier temps, l’entreprise communique à tous ses salariés le dispositif d’alertes professionnelles mis en place, ainsi que le déroulement d’une procédure d’enquête interne.
Dès la réception d’une alerte, les services des ressources humaines (RH) contactent la personne qui a effectué le signalement. Il est alors important de respecter la confidentialité et de mettre le lanceur d’alerte en confiance. A ce titre, les plateformes digitales d’alertes professionnelles permettent des échanges sécurisés et confidentiels ce qui rassure les salariés.
Selon notre étude européenne 2019 sur les alertes professionnelles, une alerte sur deux est pertinente. Il est donc essentiel de savoir gérer chaque situation. Les principaux motifs invoqués spontanément sont le harcèlement moral et/ou sexuel, des problèmes de management et une surcharge de travail.
Une première vérification dans l’historique des dossiers s’impose. En effet, s’il s’agit de la 3ème alerte concernant le même salarié, l’enquête n’est pas conduite de la même façon.
Ensuite, un message de réponse automatisé permet d’être réactif tout en remerciant de l’information transmise. Vous pouvez également demander des éléments complémentaires et informer sur les prochaines étapes. L’enquête démarre avec l’intervention d’un référent éthique si nécessaire.
Menez une enquête approfondie
Dans les cas les plus graves, vous pouvez prendre des mesures conservatoires pendant l’enquête. Cela permet d’éloigner les personnes mises en cause et d’éviter un drame ou des pressions sur les employés.
Dans 90% des cas, une enquête est réalisée, le plus souvent par les RH. Parfois les instances représentatives du personnel comme le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), le CSSCT (commission santé sécurité et conditions de travail) ou le CSE (comité social et économique) sont informées de l’enquête. Dans certains cas, il peut être préférable de faire appel à un cabinet extérieur.
Chaque document présenté est évalué. Des informations complémentaires peuvent être demandées. Les protagonistes ou les autres employés sont reçus en entretien. A chaque étape, vous devez respecter les exigences du droit du travail et de la protection des données personnelles. A ce titre, une plateforme digitale d’alertes professionnelles offre une sécurité optimale pour conserver des traces de chaque élément de l’enquête.
Communiquez après l’enquête en toute transparence
Une synthèse des résultats de l’enquête est communiquée à la direction de l’entreprise. Il est également souhaitable de communiquer de manière transparente auprès de chaque employé concerné.
Cette synthèse formule des propositions de mesures concrètes pour apaiser la situation et améliorer le fonctionnement de l’entreprise telles que :
- Accompagnement psychologique
- Coaching
- Formation
- Changement dans l’organisation d’un service
- Sanction disciplinaire
- Plainte pénale
On constate que la médiation est une mesure peu appliquée dans les entreprises.
Très souvent, l’enquête permet de requalifier la cause de l’alerte. Ainsi dans près de 45% des cas, c’est finalement un problème de management qui ressort de la procédure. Par exemple, un employé qui lance une alerte pour harcèlement moral peut cacher une volonté de négocier une rupture conventionnelle. Ou le fameux burn-out révèle en réalité une mauvaise communication avec le supérieur hiérarchique sur les objectifs et les moyens d’y parvenir.
Après la conclusion de l’enquête, l’historique du dossier doit être conservé mais les données personnelles doivent être anonymisées. Cela offre la possibilité de garder une trace et de réaliser des analyses statistiques sur les alertes émises au sein de la société.
Enfin, la procédure d’alerte peut avoir un impact positif sur l’entreprise : par exemple, en cas de harcèlement sexuel d’une salariée par un client, votre employée se sent davantage écoutée et soutenue si une enquête est menée. Son attachement à l’entreprise est ainsi renforcé. Par conséquent, une enquête a des vertus positives sur l’ensemble des salariés et des partenaires quand elle est traitée de manière transparente.
A retenir :
- Détecter les alertes le plus tôt possible permet d’éviter une crise
- Traiter les alertes sérieusement prévient une dégradation de la situation
- Prendre en compte l’aspect émotionnel pour les personnes impliquées réduit les risques de conflits ultérieurs
- Communiquer sur les alertes renforce la confiance dans l’entreprise